Chronologie des îles Crozet
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Une arrivée tourmentée

Le 28 mai 1825, l’Aventure, goélette de 55 tonneaux commandée par Guillaume Lesquin, de Roscoff, quitte l’île Maurice pour une campagne de chasse aux îles Crozet. Un anglais nommé Fotheringham dirige l’expédition. Son équipage est constitué de 16 hommes, dont 9 chasseurs d’éléphants de mer, et plusieurs nationalités européennes sont représentées.

Guillaume Lesquin (1803-1830)

Guillaume Lesquin est né en 1803 à Roscoff, en Bretagne C'est donc un jeune capiatine de 22 ans qui prend le commandement de la goélette l’Aventure en 1825. Après le sauvetage en 1827, Lesquin reprend la mer et meurt assassiné à Valparaison en 1830.

Le voyage vers l’archipel dure habituellement 30 jours, les provisions d’eau douce ont été calculées en conséquence. Mais lorsque le 8 juillet la goélette atteint l’île aux Cochons, l’état de la mer interdit toute opération de débarquement. La tempête va durer un mois. Les jours passent, l’eau potable vient à manquer. Le 25 juillet, Lesquin se résigne à envoyer un canot avec 9 hommes à terre. Malheureusement les conditions se dégradent et la chaîne de l’ancre rompt, contraignant le bateau à appareiller avant leur retour et scindant le groupe en deux.

Naufrage de l’Aventure (vignette de Jules Noël)

Le naufrage de l’Aventure

L’Aventure se réfugie dans les îles orientales de l’archipel et mouille au nord de l’île de l’Est, dans une baie à laquelle la Commision de toponymie donnera en 1967 le nom de Baie de l’Aventure. Le 29 juillet 1825, la mer déchaînée fait déraper la goélette qui s’écrase sur les récifs. Les 7 hommes gagnent la rive à la nage, où, maigre consolation, ils peuvent enfin se désaltérer. Ils ne peuvent récupérer de l’épave que les débris et les objets qui s’échouent sur la grève : bois, outillage, nourriture...

La survie des naufragés

L’hiver austral bat son plein, les conditions sont rudes et les naufragés n’ont d’abord pour tout abri qu’une grotte de taille réduite. Ils construisent ensuite une cabane constituée de pierres et de planches. Leur alimentation est constituée des albatros, des éléphants de mer (coeur, foie et langue) et des oeufs de manchots qu’ils trouvent à proximité de leur campement. Cependant, les naufragés épuisent rapidement les ressources de ce qu’ils ont nommé la Vallée du Naufrage.

Lesquin et Fotheringham partent alors à la recherche de nourriture par delà les montagnes de l’île. Le 24 août, ils découvrent une vallée où se trouvent de nombreux éléphants de mer, manchots et poussins albatros, mais la nuit et la tempête les empêchent de ramener des provisions à leur campement. Faute de nourriture, l’état général des rescapés se dégrade fortement. Une nouvelle expédition de 4 hommes est alors lancée, ils réussissent à se nourrir et à transporter de la chair d’éléphant de mer. Cependant, ils doivent abandonner un de leurs compagnons épuisé et incapable de franchir les montagnes sur le chemin du retour. A l’arrivée, ils sont contraints de nourrir les 3 autres trop affaiblis pour s’alimenter eux-mêmes. Le septième compagnon réussira finalement à rejoindre seul le camp.

Séparation et réconciliation

L’arrivée de l’été améliore leurs conditions de survie. Les aller-retours vers la vallée providentielle qu’ils nomment Vallée de l’Abondance se multiplient et deviennent moins risqués. Un jour de novembre 1825, de retour d’une expédition, Lesquin et Foteringham trouvent leur équiper hollandais, Metzelaar, assommé à la suite d’une dispute. Le goupe se scinde en deux : Lesquin, Fotheringham et Metzelaar construisent une seconde cabane et laissent la première aux 4 autres.

Les 2 groupes ne communiquent plus jusqu’à ce que Lesquin découvre un moyen de fabriquer des pots de terre avec de l’argile et de la tourbe. Voulant faire profiter les autres de sa découverte, il apprend alors que ceux-ci ont construit une embarcation de fortune et qu’ils vont tenter de partir pour l’île aux Cochons, pour rejoindre leurs 9 compagnons.

Le 17 décembre 1825, l’embarquement des 4 hommes est suivi d’une grosse tempête. Persuadés de la perte de leurs compagnons, Lesquin, Fotheringham et Metzelaar vont chercher des objets utiles chez eux. Mais les 4 seront finalement de retour et viendront rechercher leurs affaires, alimentant le climat de tension entre les groupes.

En mars 1826, Adolphe Fortier, un des hommes du groupe de 4 meurt d’épuisement. Cette tragédie prélude à la réconciliation des clans. Metzelaar retourne dans la première cabane, Lesquin et Fotheringham restent seuls jusqu’à la destruction de leur habitation au cours d’une forte tempête hivernale. Les 6 survivants feront alors cause commune.

Le sauvetage

Au retour du deuxième pintemps en octobre 1826, Lesquin décide de participer activement à leur sauvetage. Il confectionne 100 petits sacs de peau contenant un message de détresse que les hommes attachent au cou de jeunes albatros qui vont prendre leur envol. Mais cette tentative restera sans suite.

En décembre 1826, alors qu’ils s’apprêtent à mettre à l’eau un nouveau bateau de fortune constitué de peaux tendues sur une structure en bois, les rescapés aperçoivent un navire baleinier anglais. Ce n’est qu’après plus de 2 semaines qu’ils réussiront à se faire remarquer en allumant un feu. Le 7 janvier 1827, après 17 mois de survie, le 6 hommes embarquent sur le Cape Packet. Le 3 février, à la demande des rescapés, un passage est effectué devant l’île aux Cochons : les 9 chasseurs ont eux aussi réussi à survivre et sont récupérés. Tous les rescapés seront déposés au Cap le 5 mars 1827.

Guillaume Lesquin (timbre TAAF de 1995)

Le récit de Guillaume Lesquin

Guillaume Lesquin, jeune capitaine de l’Aventure, rédige à son retour la Relation du naufrage de la goélette « l’Aventure » de l’Ile-de-France, dont un extrait figure ci-dessous.

Relation du naufrage de l’Aventure

Les compagnons d’infortune, pénétrés de la vérité de mon adage continuel, que de notre bonne intelligence dépendait la prolongation de notre existence sur cette île, nous témoignèrent plus d’égards qu’ils n’en avaient jamais eus. Notre situation, quoique affreuse, semblait être quelquefois oubliée par nous. Une nuit du mois de septembre, je rêvais auprès de notre feu, sur les chances que nous pouvions avoir d’échapper à la destinée qui nous menacait, lorsque deux idées se présentèrent à mon esprit.

Je savais que les jeunes albatros, en quittant leur nid et en prenant leur essor pour la première fois, se dirigent toujours vers le nord et se rendent souvent dans les parages que fréquentent les navires, à bord desquels ils sont quelquefois pris à l’hameçon.

Je formais donc le projet de leur attacher au col des petits sacs de peau, dans lesquels je déposerais un billet qui indiquerait la position des îles et par lequel je prierai le navigateur entre les mains duquel ce billet pourrait tomber, de dévier un peu de sa route pour nous retirer de notre misérable situation. J’engagerais en outre un baleinier à venir, par l’appât de la grande quantité d’huile que l’on pourrait faire en peu de temps. Toutes les fois en effet qu’un baleinier dépèce une baleine dans ces mers, il est entouré d’une grande quantité d’albatros et j’avais lieu d’espérer que la curiosité de savoir ce que contenait le petit sac suspendu au col de l’albatros, engagerait quelque personne à s’efforcer de le prendre.

Le lendemain je mis la main à l’oeuvre et je fis cent sacs de peau. J’écrivis ensuite cent billets de la même teneur que je plaçai dans chaque sac bien cousu. Au premier beau temps, nous nous acheminâmes tous vers la vallée de l’Abondance et nous attachâmes nos sacs aux jeunes albatros. Notre illusion fut si grande, que nous crûmes être certains de sortir de l’île par ce moyen.

Guillaume Lesquin

Naufrage de l’Aventure aux îles Crozet

Revue de presse

La presse de l’époque s’est inspiré du récit de Lesquin pour publier plusieurs articles relatant le naufrage et les 17 mois de survie des naufragés. En 1851, le Magasin Pittoresque [couverture] a publié un résumé [pdf] du récit de Lesquin, qui sera repris en 1877 accompagné d’une vignette de Jules Noël, dans un chapitre [pdf] de l’ouvrage les Naufrages Célèbres [couverture]. Ci-contre, un bref article de 1827 résume l’aventure de Lesquin et de son équipage.

Le texte intégral du récit de Lesquin est aujourd’hui disponible dans l’ouvrage Trois naufrages pour trois îles.

Souvenirs toponymiques

Le deuxième sommet de l’île de l’Est, culminant à 1.012 mètres a été baptisé pic Lesquin par la Commission de toponymie en 1966-1967. Les noms de vallée du Naufrage et vallée de l’Abondance utilisés par Lesquin dans son récit ont survécu ; en revanche, les noms marqués par la Restauration qu’il avait donnés aux îles de l’archipel n’ont pas été retenus : les Sauvages pour les îles des Apôtres, île Dauphine pour l’île aux Cochons, île Française pour l’île des Pingouins, île Chabrol pour l’île de l’Est, et île du Roi Charles pour l’île de la Possession.

source des documents numérisés : BNF - Gallica ; références : 31434, 37417, 69801

source des timbres : Philatélie des TAAF ; référence : PA136 (avec l’autorisation de Mathieu Débarbouillé)

Naufrages aux îles Crozet
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